2010
from Program
La sonorité centrale du texte, « kara », engendre un faisceau de sens et s’articule à d’autres sonorités, forgeant de nouveaux mots. Ko Murobushi conserve cette multiplicité en notant ce vocable kara, non pas avec un idéogramme (qui en fixerait le sens de manière unique) mais en utilisant une écriture en deux syllables qui permet une signification plurielle.
Fondamentalement, kara renvoie au vide, à un corps creux, à la résonnance de ce corps creux.
Ce peut être une coquille d’œuf, la mue d’une cigale, ou bien le vide du ciel, la vacuité bouddhique.
kara indique aussi l’origine (au sens spatial comme au sens causal)
Mais kara est aussi le début du mot karada, qui signifie « corps ». (Il existe deux mots en japonais pour dire le corps : karada et shintai. Karada met davantage l’accent sur la dimension concrète du corps, la « corporéité ».)
C’est aussi le début du mot karasu, les corbeaux dont il est question à la fin du texte.
Ko Morobushi emploie aussi l’expression kara-kara, une onomatopée caractérisant ce qui sonne creux, ou bien ce qui est sec (avoir la gorge sèche), ou encore un rire sonore.
L’autre mot ambigu du texte est naku. De la même manière, Ko Morobushi l’écrit parfois sous la forme de deux syllabes et non d’un idéogramme qui annulerait toute ambivalence. Ainsi écrit, naku peut dès lors aussi bien signifier « pleurer », que « chanter » ou « crier » (au sens où un animal, un oiseau par exemple, crie ou chante).
Ces deux mots, naku et kara sont réunis dans le mot nakigara, également noté en syllabes, qui peut ainsi désigner, outre son sens ordinaire de « cadavre », un néologisme se traduisant par « un corps creux qui crie (ou chante, ou pleure). »
< Krypt blues > もう髪(カミ)も伸びず 爪(ツメ)も 髭(ヒゲ)も ノビナイ
< Krypt blues > mô kami mo nobizu tsume mo hige mo nobinai
« Krypt blues » Mes cheveux ne poussent plus mes ongles ma barbe ne poussent plus
もうオレは 干からびた オレのカラダは カラカラだ
Mô orewa hikarabita ore no karadawa karakarada
Me voici tout desséché mon corps sec sonne le creux
オレのカラダは カラカラに ヒカラビて ナミダもカワイて ただカラカラと 笑うだけ
ore no karadawa karakarani hikarabite namidamo kawaite tada karakara waraudake
mon corps est à sec même mes larmes sont sèches ne peux qu’éclater de rire
オレの ‘クリプト’ それはオレの カラカラのカラダ カラカラの カラッポのカラダ
oreno « kuriputo » sorewa oreno karakara no karada karakarano karappo no karada
Ma « crypte » c’est mon corps qui sonne le creux mon corps totalement vide
<KARA KARA DA> (カラのカラダ)
<KARA KARA DA> (karanokarada)
<KARA KARA DA> (corps vide)
(カラのカラダから すべてが生まれた カラのカラダから オレが生まれた カアカアと カラスが 鳴くみたいに ナイテイタ ナキガラみたい ナキガラみたい ナキガラのように オレは ナキnagara 生まれた)
(kara no karada kara subete ga umareta kara no karada kara ore ga umareta kâkâto karasu ga nakumitaini naiteita nakigaramitai nakigaramitai nakigara no yô ni orewa nakiNAGARA umareta)
(D’un corps vide toute chose est née d’un corps vide je suis né, Kâ kâ font les corbeaux criant comme un cadavre comme un cadavre qui pleure ou chante tel un cadavre criant je suis né)